LTE (Long Term Evolution) constitue l’évolution 4G des réseaux de télécommunications mobiles et offrira notamment des débits mobiles beaucoup plus élevés que les réseaux actuels. Le réseau EPS (il convient de parler plutôt de réseau EPS, Evolved Packet System, le terme LTE désignant plutôt l’interface radio entre le mobile et le réseau mobile 4G) présente la particularité par rapport aux précédents réseaux mobiles 2G/3G de ne fournir qu’un service PS (Packet Service) de données alors que les réseaux 2G/3G offrent à la fois des services de type CS (Circuit Service) pour la voix et de type PS pour les données

Le réseau EPS ne propose ainsi que l’accès aux réseaux de données PDN (Packet Data Network) et tous les services devront ainsi être ainsi être conçus au dessus d’IP y compris les services traditionnels tels que la voix ou les SMS. Cela constitue donc une évolution majeure et les opérateurs devront déployer de nouveaux systèmes afin de continuer de fournir un service de voix sur les réseaux mobiles 4G. Pour cela, plusieurs solutions ont été imaginées.

CSFB (Circuit Switched FallBack)

Cette première solution consiste tout simplement à continuer d’utiliser le réseau 2G/3G pour le service téléphonique et à réserver le réseau 4G pour le service de transmission de données. Avec ce principe, le terminal mobile est connecté soit au réseau actuel GSM/UMTS soit au réseau LTE selon l’application qu’il utilise. Un échange de signalisation entre d’une part le coeur de réseau NSS (Network Sub System) et d’autre part le coeur de réseau EPC (Evolved Packet Core) du réseau 4G est alors nécessaire afin que le mobile puisse basculer vers le réseau 2G/3G lorsqu’étant connecté au réseau LTE, il reçoit ou désire émettre un appel téléphonique. S’il souhaite conserver ses communications données en cours, il est également nécessaire de basculer le mode PS établi avec le réseau 4G vers le mode PS sur le réseau 2G/3G.

VoLTE CSFB

Cette solution offre l’avantage de se baser sur des technologies existantes et éprouvées mais présente cependant plusieurs inconvénients:

  • le temps de bascule entre les réseaux 4G et 2G/3G est significatif (de l’ordre de quelques secondes en moyenne) ce qui, en terme d’expérience utilisateur, n’est guère satisfaisant et l’on voit mal les premiers utilisateurs de LTE, probablement assez technophiles et dotés de smartphones les plus récents, accepter une telle régression.
  • les transferts de données sont également perturbés durant la bascule ce qui, à l’heure des téléphones multitâches avec de nombreuses applications s’exécutant en tâche de fond, devra s’effectuer le plus rapidement possible afin de limiter l’impact en terme d’usage
  • ce modèle s’intègre mal avec des perpectives de développements de nouveaux services en isolant la voix sur des anciennes technologies sans possibilité d’évolution. Il serait ainsi impossible par exemple, de proposer des services combinant voix et données en tirant profit du débit 4G (conférence, collaboration, jeux …).

Il s’agit là des principaux écueils du CSFB qui souffre en outre d’autres insuffisances (mauvaise intégration avec de potentielles femtocells LTE, mauvaise occupation de la bande radio …).

En résumé, le CSFB offre l’avantage de permettre une réutilisation complète de l’infrastructure existante (réseau, services, systèmes de facturation ..) en ne nécessitant que quelques mises à jours mineures. Cependant il s’agit là d’une solution permettant plus de prolonger la vie du réseau 2G/3G existant que de tirer profit de l’introduction de la 4G, ce qui risque de réduire fortement l’intérêt de déployer cette nouvelle technologie.

Un mécanisme assez similaire consiste à se connecter à la fois aux réseaux 2G/3G et 4G, mais de façon simultanée afin d’éviter la phase de bascule radio. Cette approche, connue sous le nom de SVLTE (Simultaneous Voice and LTE), a également le mérite de ne pas nécessiter de modifications dans le réseau mais conduit à une plus grande complexité du téléphone ainsi qu’une consommation énergétique accrue. Des terminaux utilisant ce système sont déjà disponibles en CDMA/LTE (pas encore en GSM/UMTS/LTE).

VoLGA (Voice Over LTE via Generic Access)

Cette seconde solution permet également de réutiliser l’infrastructure voix existante mais de manière un peu plus évoluée. Elle consiste à connecter le réseau EPS au coeur de réseau NSS qui fournit le service téléphonique 2G/3G par l’intermédiaire d’une passerelle VANC (VoLGA Access Network Controller). La signalisation 2G/3G de la téléphonie est ainsi réutilisée mais est transportée sur le réseau de données 4G en étant encapsulée au sein de paquets IP. Le réseau EPS joue alors le rôle de réseau d’accès au même titre que le BSS (Base Station Sub-system) du réseau 2G ou l’UTRAN (UMTS TRAnsport Network) du réseau 3G.

VoLTE VoLGA

Cette solution présente l’avantage de n’apporter aucune modification tant au niveau du réseau EPS que du cœur de réseau NSS. Par contre, le mobile doit intégrer des adaptations pour le transport, sur le réseau 4G, de la signalisation NAS (Non Access Stratum) échangée entre le mobile et le réseau NSS.

Ce principe est déjà utilisé au sein de l’UMA (Unlicensed Mobile Access) qui permet de connecter des terminaux WiFi aux réseaux 2G / 3G. L’UMA est notamment mis en oeuvre dans l’offre Unik d’Orange qui permet d’accéder aux services 2G/3G sur son téléphone mobile à travers un réseau WiFi.

Comme le CSFB, VoLGA permet de réutiliser l’infrastructure existante, ce qui assure un déploiement rapide ainsi qu’une transparence complète du réseau vis-à-vis des services téléphoniques. De plus, VoLGA ne souffre pas des défauts majeurs de CSFB en assurant un accès simultané aux services voix 2G/3G et données LTE. Au niveau du réseau, VoLGA ne nécessite que le déploiement de quelques nouveaux éléments (VANC principalement). Le terminal, en revanche, devra également intégrer cette nouvelle technologie afin d’être en mesure d’encapsuler la téléphonie 2G/3G dans des paquets IP.

Le support de VoLGA dans le terminal constitue le principal obstacle à son adoption car cela nécessite un support fort des fournisseurs de mobiles pour une technologie de transition qui n’a pas vocation à être utilisée sur le long-terme. Ce point est de plus exacerbé par le fait qu’il s’agit d’une technologie non adoptée par le 3GPP, l’organisme qui est en charge des spécifications GSM et LTE. Par ailleurs, VoLGA, comme CSFB, ne permet pas de véritables services de convergence car les réseaux gérant la voix et les données restent séparés.

IMS (IP Multimedia Subsystem)

La dernière solution, qui est présentée comme la solution cible à long terme est celle de la mise en oeuvre de l’IMS, qui est le réseau multimédia IP spécifié par le 3GPP. Ce réseau, extérieur au réseau 4G, permet de supporter tous types de services et de réseaux d’accès. Il est notamment déjà en cours de déploiement pour la VoIP résidentiel et constitue donc pour les opérateurs et constructeurs une solution universelle et largement supportée permettant de mutualiser au maximum les nouvelles infrastructures.

VoLTE IMS

Le réseau IMS est basé sur l’emploi du protocole de signalisation SIP (Session Initiation Protocol) qui permet l’enregistrement du mobile au service téléphonique et l’établissement d’une session, et du protocole SDP (Session Description Protocol), associé au protocole SIP, qui supporte la négociation du média (voix, vidéo, données). La seconde fonction assurée par l’architecture IMS concerne le traitement du flux média pour les fonctions indisponibles dans le réseau 4G comme la conférence, la génération des annonces et les passerelles vers les réseaux téléphoniques fixes PSTN (Public Switched Telephone Network) et les réseaux de mobiles PLMN (Public Land Mobile Network).

L’utilisation de l’IMS constitue donc une rupture technologique dans les réseaux mobiles en étant la première à se baser entièrement sur un réseau de données IP. Cela garantit la plus grande richesse fonctionnelle, la possibilité d’introduire de véritables services de convergences voix/données ainsi que les meilleures possibilités d’évolution.

Cependant, la solution IMS nécessite un investissement conséquent car elle ne réutilise pas l’infrastructure existante. Par ailleurs, il s’agit d’un changement technologique majeur et il conviendra d’assurer dès le début une qualité de service et une expérience utilisateur au moins au niveau de celles actuelles afin d’éviter un rejet des utilisateurs. Naturellement, cette solution sera d’autant plus facile et moins risquée à déployer dès le début que l’opérateur dispose déjà d’une infrastructure IMS opérationnelle sur d’autres réseaux d’accès, ADSL par exemple. Afin de réduire ce risque lié à l’introduction immédiate d’un nouveau système complexe, les principaux acteurs de la téléphonie ont lancé l’initiative One Voice. Cette initiative a conduit à la définition d’un sous-ensemble de fonctionnalités IMS définies par le 3GPP. Ce sous-ensemble permet ainsi de simplifier le déploiement de l’IMS dans un cadre LTE tout en garantissant une interopérabilité maximale.

Conclusion

Il existe donc plusieurs solutions afin d’assurer un service de voix sur les nouveaux réseaux 4G. Par ailleurs, il n’est pas exclu que certains opérateurs choisissent une solution de type over-the-top basée une technologie non spécifique au 3GPP ou aux réseaux mobiles. Cela pourrait être un service basé sur l’utilisation simple de SIP ou bien encore sur une technologie propriétaire telle que Skype. Cependant cette approche, externe au réseau de l’opérateur, ne bénéficie alors pas des services de ce dernier (QoS, handover …). Il sera également intéressant de suivre les positions de Google et d’Apple ; en effet, Android et l’iPhone constituent les principaux terminaux susceptibles de bénéficier de LTE. Ces nouveaux acteurs ne sont pas issus de l’écosystème traditionnel des télécommunications et pourraient, une nouvelle fois, bouleverser ce marché. De plus, ils dominent le marché des tablettes en pleine croissance et à la base de nouveaux usages mobiles, ce qui pourrait influencer fortement les stratégies de déploiements LTE.

Le tableau ci-dessous présente un résumé des avantages et inconvénients de ces différentes technologies:

VoLTE – comparaison

Il n’existe pas de solution universelle et constituant une évolution logique et sans heurts des technologies actuellement déployées. Les opérateurs devront alors trouver le meilleur compromis adapté à leur situation et à leurs objectifs. Chacun aura donc à composer avec de multiples facteurs et prendre en compte des éléments tels que:

  • l’horizon de déploiement de la LTE
  • la couverture LTE: hotspots uniquement ou nationale
  • le type de réseau actuellement déployé et leurs potentielles évolutions
  • l’introduction de nouveaux services notamment de convergence
  • la volonté ou non de franchir le pas tout IP au plus vite
  • les technologies supportées par les partenaires de roaming ainsi que les fournisseurs de terminaux

A l’heure actuelle, il semble qu’un consensus se dégage en faveur d’une solution IMS mais, pour séduisante qu’elle soit sur le papier et à long terme, il s’agit également de la solution qui nécessite les changements les plus radicaux. CSFB est une technologie de transition simple à mettre en oeuvre mais il reste à voir si ses défauts pourront être acceptés par les utilisateurs. VoLGA est apparu comme une meilleure solution d’intérim mais souffre toujours d’un déficit d’adoption au niveau de la standardisation, ce qui compromet fortement son avenir. Enfin, SVLTE semble susciter de l’intérêt et, si les impacts sur le terminal se révèlent acceptables, pourrait constituer la solution transitoire la plus simple à mettre en oeuvre avant de basculer sur IMS.

Il sera donc intéressant d’observer dès 2012 les premiers déploiements LTE et les solutions retenues, ce qui fera l’objet de prochains articles. Nous aborderons également les technologies permettant de gérer le handover 2G/3G et LTE. En effet, la couverture LTE ne devrait être que partielle au début et il faudra également assurer la continuité du service voix en cas de sortie de cette couverture.